Pour célébrer le ?ème anniversaire de sa naissance à Rodez, trois grandes expositions étaient organisées en France en ce début d’année. Toute la presse spécialisée a célébré à juste titre le succès de sa carrière mondiale. Maître de l’abstraction et de « l’outrenoir », Pierre Soulages provoque une onde de choc dans les milieux intellectuels et pluridisciplinaires dès les années 1960. Dans son oeuvre, ne cherchez pas un message, ni représentation; il nous met face au mouvement de sa peinture noire.
Evidemment, chacun d’entre nous ressent des émotions plutôt positives ou négatives mais à coup sûr, très fortes.
Après le Louvre et Rodez, l’évènement à Nice
Le Conseil départemental des Alpes Maritimes présentait une exposition gratuite de Pierre Soulages du 8 février au 19 avril 2020. Interrompue en pleine succes story dimanche dernier, la crise sanitaire du Covid-19 nous oblige à changer nos comportements. L’exposition avait réuni 16 000 visiteurs en 5 semaines à peine, selon l’article paru dans Nice Matin. Les niçois y compris moi, étions pressés de découvrir ce Maître de la peinture contemporaine sur la Côte d’Azur.
Dans un bâtiment réaménagé, l’ancien bagne rebaptisé « Galerie Lympia », est le lieu parfait pour exposer l’essence de son oeuvre. Le port Lympia se situe au coeur de plusieurs monuments historiques remontant à la fondation de la ville Nikkaia par les Grecs. Les nombreux visiteurs captivés semblaient bien silencieux comme s’ils se trouvaient dans un lieu sacré.
Toutes les conditions étaient réunies pour vivre l’Expérience, comme on dit maintenant en marketing, face aux 72 oeuvres originales peintes et gravées par l’artiste entre 1946 et 2008.
« La puissance créatrice de Pierre Soulages »
La sélection des oeuvres effectuée par le commissaire de l’exposition, Gérard BOSIO, s’est resserrée sur chaque période représentative; ce qui est parfait en terme de pédagogie pour comprendre les étapes de sa création.
Cette nouvelle peinture est qualifiée « de beauté mystérieuse ». Son choix délibéré pour l’étude de la lumière réfléchie sur des surfaces noires peut être déroutant. Il utilise des matériaux de peintre en bâtiment comme le brou de noix utilisé pour recouvrir le bois, de larges brosses.
Or chaque oeuvre nous donne à réfléchir sur nous-même. Que voyons nous en nous ? Comment ces surfaces noires résonnent dans notre imaginaire ?
Curieusement, on ne s’ennuie jamais. Il fait « Corps à corps », lutte avec la matière en jouant sur plus ou moins d’épaisseur, diverses types de traces, les effets de la lumière…
Des sensations nouvelles
Au départ j’avoue avoir été déstabilisée, c’est pourquoi j’ai ressenti un certain « malaise » devant cette conception du sombre du vide ou de ne je sais quoi. Etait-ce une forme de représentation du trou noir de l’univers ? ou du néant ? de l’infini ?
Bref, des notions « philosophiques » ont envahi mon cerveau malgré moi, je venais d’abord me divertir et me voici confrontée au sens de ma vie !
Ensuite, ce bouleversement intérieur certainement inattendu, je sais maintenant que je le dois à cette exposition à jamais gravée dans mon esprit et mon coeur.
Mon tableau préféré est ici en photo, intitulé « Peinture, 160×114 cm, 9.11.2008 ». Cette oeuvre m’a permis de réaliser que j’avais besoin de visualiser une perspective même infime. Dans tout ce noir, ces fins interstices blancs horizontaux m’apparaissent alors comme une espérance. Ces interstices laissent imaginer qu’un autre monde est possible.
Bien que des visites virtuelles soient maintenant envisagées, rien ne vaut l’expérimentation face à l’oeuvre car les dimensions et les formes peuvent modifier notre perception. En particulier cette plaque de cuivre trouée par l’acide, présentée comme une stèle !
Nous voilà revenu au thème éternel de l’Art et du sacré.
Prions pour que nous puissions retourner sur place ensemble.